Voilà un RP que j'ai fait sur notre pitite alliance ^^
J'aimerais bien avoir vos avis dessus (pour ceux qui l'avaient déjà lu j'ai fait quelques petites retouches).
D’abord lointaine, comme le chuchotement du vent cachant ses chagrins parmi les herbes folles chamarrées des fleurs de ses précédentes peines, la rumeur allait s’amplifiant, s’emportant en bourrasques, en rafales, parfois soulevant le flot d'une fureur contenue en lames de colère qui venaient s'écraser avec insistance sur les parois alvéolées.
S’arrachant violemment à l’emprise de son premier sommeil, elle sentit ses membres s’agiter d’eux-mêmes, nerveusement. Comme saisie de convulsions, paniquée de ne sortir d’une longue nuit que pour se retrouver assaillie de noirceur, ses griffes s’élançaient dans l’obscurité, tentaient de la déchirer. Après quelques coups donnés dans le noir, elle ressentit que ce
dernier lui opposait résistance. Dés cet instant, son esprit redevint clair, à mesure qu’elle se sentait déchiqueter son adversaire. Une entaille plus profonde que les autres fit jaillir un jet d’or des ténèbres.
Ses membres perdaient peu à peu leur autonomie désordonnée, et elle se sentait plus maitresse de ses mouvements ; elle jetait maintenant ses griffes à l’assaut de la déchirure avec ce sentiment d’illimité que lui donnait la maitrise affûtée de ses gestes.
D’un coup de mandibules, elle trancha ce qui restait de la membrane qui avait protégé son sommeil vide de songe, et s’élança, aveuglée par le flot de lumière, dans l’ouverture béante de cet Inconnu qui l’éblouissait.
Elle fût aspirée par la première image qui lui en parvint. Loin devant elle, se dressait, cyclopéenne, mais d’une harmonie et d’une finesse naturelle telles qu’elle ne mettait pas mal à l’aise comme ces édifices démesurés, qui se dressent comme des défis jetés au ciel, comme des tentatives d’arrachements à la terre, une colonne incrustée d’alvéoles dorées, érigée là, immortelle, comme unissant et soutenant à la fois deux mondes opposés. Plus loin elle aperçut d’autres colonnes identiques, toutes reliées entre elles par des traits de lumière, rebondissant sur les alvéoles étincelantes, semblant ne jaillir de nulle part, ou au contraire de chaque cavité où ils se répercutaient, se démultipliant à l’infini. Elle pouvait voir sortir de ces cellules, identiques à la sienne, qui était située à une hauteur telle qu’elle ne pouvait distinguer ni sol ni plafond de cette gigantesque cathédrale d’or et de lumière, d’autres abeilles, immobiles et encore étourdies comme elle, ou déjà s’élevant au dessus de l’abysse radieux, se joignant au ballet frénétique et majestueux des abeilles en vol, qui se croisaient, s’évitaient, se suivaient et entrelaçaient leur course à une vitesse vertigineuse, sans aucune limite dans l’espace, plongeant vers le haut, s’élevant vers le bas, virant brusquement et enchainant en vrilles.
Mais ce qui perça bientôt par-dessus ce spectacle, pour lui donner toute sa grandeur et sa véritable essence, la frappa à tel point que la scène qui se déroulait devant elle ne suffit plus à disperser son attention. C’était ça qui l’avait tiré de l’inconscience, ce vrombissement d’ailes qui emplissait chaque anfractuosité de la Ruche. Elle pouvait le comprendre, comme si chaque battement d’ailes contribuait à former une immense conscience collective perceptible par toutes les abeilles.
Les vibrations, provenant de tant de sources qu’elles semblaient jaillir de nulle part, provenant de tant de corps qu’elles semblaient n’en former qu’un, gigantesque et immatérielle, pénétrèrent au plus profond de ses fibres, faisant vibrer chacune de ses cellules, provoquant ainsi une irrésistible mélopée dont les bribes transmettaient avec brutalité leur message : elle sentit la brulure de la colère et les bris de sa sérénité, de la besogneuse sérénité de la Ruche.
L’abeille sortit entièrement de l’alvéole et commença à battre des ailes, de plus en plus vite jusque à ce qu’elle parvint à accorder son vrombissement à la rumeur générale. Puis elle s’envola au milieu des rayons d’or…
Les guerrières de la Ruche naissent dans les ténèbres, vivent et meurent dans la lumière.